Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

mercredi 14 novembre 2012

Wahiba et Edith

Hier soir lectures diverses et ce matin, le vent.
Aucun rapport?
Si, le vent agite les feuilles, fait bouger les lignes.
Anima, pneuma.
Donne du souffle à l'arbre.
Je viens d'un pays du vent.
Et là, devant la fenêtre, ou derrière, le vent.
Les décombres restent immobiles mais les arbres ondoient.
Drôle de verbe, mais le vent me fait toujours penser à la mer.
Un arbre doucement bousculé par le vent, feuillage soulevé gentiment comme une jupe, c'est une fille, c'est une mer.
Au-dessus le ciel reste blanc, de ce blanc inconnu en Méditerranée, mais lumineux, presque tendre.
photo Fayçal Gamoudi, librairie Clairefontaine à Tunis


Ce matin, car c'est toujours avec lui que ça recommence, écrire pour moi, il y a avec moi sur la table Algérie et Tunisie, encre noire et sang frais.
 La mer, la grande bleue, porte jusqu'à Marseille depuis Tunis et Alger.
La première fois que j'ai survolé la Méditerranée pour me rendre à Alger, j'ai pleuré d'émotion.
Comme si aller de l'autre côté était une sorte de retour au pays natal.
Plus tard en Tunisie, croisant de vieux chibanis, je croyais voir mon père, son visage bruni, ses mains fauves comme dirait Gustave Roud, son pas de vieil homme.

Et là, lisant Nos silences de Wahiba Khiari, à nouveau l'émotion.

Emotion aussi en lisant Edith Azam, sa petite voix, son cri en silence, Létika Klinik.


Les bulles du Périer rejoignent les Misérables. Le même cri, la même stupeur indignée de celles qui ne veulent pas être enfermées. Je les rejoins. C'est-à- dire je les mets ensemble sur la table. Je les présente l'une à l'autre,
Wahiba, Edith,
Edith, Wahiba.


Et les mondes se rejoignent comme les bords d'une blessure. Comme si mon père, de ce pas que je connaissais si bien, arrivait ici, au bord du canal st Martin voir où en est sa fille, l'écrivain. Levant les yeux vers ma fenêtre, me disant,
fille, le vent, tu l'auras compris, c'est moi qui le fais souffler! Tu vois bien que je suis toujours vivant!

Comme en Tunisie, à sidi Bou Saïd, le vent frissonne la mer et le jasmin pour rafraîchir les épaules des jeunes amoureux.

La Marsa


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