J’ai rêvé que je venais de publier mon premier
livre et je découvrais que j’avais vingt ans.
J’ai rêvé que Bolano et moi marchions sur la
promenade à Blanes et qu’ensuite nous allions manger des gâteaux chez son ami
pâtissier.
J’ai rêvé que tout le monde comprenait ce que
voulait dire patrie portative.
J’ai rêvé que mes heimatlos en se multipliant
propageaient le rire et une forme de joie spinoziste.
J’ai rêvé que je prenais dans mes bras Sebald
enfant et qu’il ne m’impressionnait presque plus du tout. Presque.
J’ai rêvé que toutes les listes de livres et de
courses à faire se retrouvaient dans le livre que je voulais écrire.
J’ai rêvé que je finissais toutes les traductions
en train, que mes amis m’aimaient et que je ne redoutais plus de leur déplaire
en parlant trop fort.
J’ai rêvé que les décombres de la menuiserie
permettaient de construire des milliards de poèmes.
J’ai rêvé de n’avoir plus honte de mes excès en
rencontrant Bolano sur la promenade de Blanes.
J’ai rêvé d’avoir presque autant lu que lui.
J’ai rêvé de ne plus avoir de trous de mémoire
quand j’essaie de citer un livre que j’ai aimé.
J’ai rêvé de résister à la peur qui me prend
chaque fois qu’on me demande ce que je suis en train de faire.
J’ai rêvé de numéroter tous mes rêves comme
Roberto Bolano mais je ne sais toujours pas faire une tilde sur le clavier de
l’ordinateur.
J’ai rêvé de marcher très longtemps dans une
forêt. Toute seule.
J’ai rêvé de voir se matérialiser le temps :
quelle forme prendrait-il ?
J’ai rêvé de demander à Sebald si je pouvais le
suivre, discrètement bien entendu, lorsqu’il déciderait de revenir à la vie.
J’ai rêve de manger en compagnie de Thomas
Bernhard, Sebald, Bolano, Wislawa Szymborska et Herta Müller.
J’ai rêvé de savoir tenir en ordre le désordre, en
échec l’ennui.
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