Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

jeudi 15 novembre 2012

On sait que ça va finir, alors on continue


On sait que ça va finir.
Tout.
Mais là.
On se demande.
En redemande.
Mais non.
Il faudra aller vers le futur, ce qui dans le tableau est à venir.
A Beauséjour, ce qui est difficile, c'est la nuit.
Elle éteint les paroles.
Suis-je une fille du jour?
Oui, sans aucun doute.
E pourtant j'ai écrit dans Chaussures vides:
J'aime vraiment la nuit.
Mais ce pays était celui de la nuit de Saorge.
Montagne, Italie proche, frontière instable de la patrie portative.
Ici, le canal coupe en deux la nuit et le jour.
Comme la vie à Beauséjour.
Bruissante le jour.
La nuit, solitaire, en résidence.
Et pourtant.
Je ne veux pas que ça finisse.

Lis Edith Azam.
Tellement belle-garçon-belle.
Lis, beaucoup.
Me demande.
Colle, déchire, découpe. Assemble.
Textes, tissus, papiers.

Réfléchis à la langue, celle de l'ennemi?
Pour ma mère, la vaillante guerrière des mots, l'anglais.
Pour moi, plus simplement, la trop facile mienne.
Motus, c'était son nom de famille.
Mother Motus.
Elle n'aurait pas aimé que je l'appelle comme ça.
Motus, c'est le mouvement en latin.
Bon, mauvais.
Terramoto: tremblement de terre.
Ma mère la violente, l'énervée.

Ce matin encore, mon père m'a salué en agitant légèrement l'arbre en face de moi.
Près des décombres. Mais les pieds dans  l'herbe.
Trop calme, mon père.

Et là, entre décombres et canal, mon père dans l'arbre, ma mère sur l'eau, à se disputer un peu de langue, celle de leur fille, celle qu'elle essaie de leur faire entendre, là où ils sont et où,  demande la petite Virginia, ils se disputent encore?
oeuvres d'Aaron Clarke, travail en cours

Se composer une famille, Bolano, Sebald, des morts aussi, mais faciles à rencontrer.
Hier, j'ai tenté d'expliquer, sans me justifier, mon besoin de fabriquer, construire, coller.
Quelqu'un a dit: oui, rattraper le temps perdu.
Bizarrement, je pense à la cigale et la fourmi.
Edith A. m'appelle la fourmifolle.
Et moi, cigale?

Mais aussi famille de vivants, vifs même.
Qui m'encouragent à vivre de mes mille activités formiculaires.
Qu'ils en soient remerciés, eux qui savent que je ne rattrape pas le temps, mais tente, comme eux, comme d'autres, de lui donner forme.

Bonzoms, smouroutes, heimatlos.
Cohortes tendres de sans patrie.
Il reste encore 7 jours à vivre à Beauséjour.

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