Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

dimanche 18 novembre 2012

Dans le remuement de la mer, le petit peuple ami...

Ce soir pourrait laisser place.
Non pas prendre mais laisser.
Laisser aller la mer.
Entendre son remuement.
Se laisser aller aussi à marcher pieds nus.
Ôter ses chaussures. Les jeter en l'air.
Courir.

Comme si rien ne finissait jamais. En Bretagne mes dimanches auront été solaires.
La plage, la mer, les rochers et là-bas, entre les arbres, presque facile d'y pénétrer, la maison de Colette, et l'envie enfantine de passer outre la clôture et de glisser sous les grands arbres jusqu'à la terrasse d'où la belle dame voyait la mer. Mais ne l'appréciait guère.


Toutes les ombres avec le soleil, les chiens qui courent sur la plage, nos pas, des milliers de pas qui tressent des présences invisibles que la marée haute effacera. La mer se laisse aller et nous aussi.

C'est une mer familière et étrangère.
Belle, qui boulègue, comme on dit dans le sud.
Mais là, presque sage, douce, qui se laisse aller sous nos yeux.
Comme toujours devant elle, l'émotion de la sentir si identique à elle-même, où qu'elle s'allentisse.
La mienne, la Méditerranéenne et celle-là, si proches que je répète: j'ai besoin de la voir et la revoir.
Qu'elle soit en mouvement ou sage, turquoise ou grise, je la reconnais toujours.
A la différence de la mère, et pourtant lui ressemblant, elle ne me fait jamais peur et puis, elle ne meurt ni ne vieillit.
Ce que je redoutais dans la marée, cette disparition, l'absence, les bateaux sur la quille, ici ne provoque en moi que joie. L'incompréhension que je témoignais alors en face de la marée a disparu.
Valéry etc...




Et voilà que l'ami Denis Hirson appelle: il faut préparer notre lecture.
Et voilà que mon fils aîné aussi. 
La fin du voyage est annoncée. Il va falloir arrêter tout ce qui a commencé ici. Vraiment?
Regrouper ce qui est épars. Répondre à la question: ai-je donné une maison au sans-patrie, le heimatlos? Retrouver ce geste machinal et pourtant inhabituel des feuillets que l'on met en ordre en les alignant. 
Faire des valises, ranger les livres, jeter ce qui est à jeter. Rendre mes clés.
Qui seront les clés d'un autre poète, résidant comme je le suis, et bientôt ne le serai plus.
Quitter la petite patrie de Beauséjour et tous ses hôtes et bonzoms. 
Les décrocher du mur, les emporter. 


Il y a aussi l'ami Jacques Brémond qui me parle du canal St Martin et de l'eau sombre.
Et doucement s'annonce la soirée du 21 novembre.
Et  voilà que Schubert pleure dans la montagne.
Et voilà que s'avance la nuit.

Après tant de lumière et la mer, l'obscurité noie Beauséjour : il reste à rêver encore jusqu'à mercredi.
Demain, Lorient.

Je sais déjà que je reviendrai. A cause de la mer bien sûr mais aussi et surtout du petit peuple ami qui chaque jour un peu plus se découvre et dont je ne saurais plus me passer.
Me laissant aller à la douceur. 








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