Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

mardi 15 janvier 2013

Ici on n'est pas à Marseille!


On m'a prêté un livre qui a pour titre: October snow.
Il a été écrit par Samuel Reifler. Et je ne peux le lire.
Samuel Reifler est américain. He is a cranky old guy, dixit la quatrième.
C'est un beau petit livre. Le peu que je parviens à en lire me ravit.
Ecriture poétique. Un livre qui ne s'est pas vendu.
Qui achète ce genre de livre?
Une amie américaine me dit: si peu. A New-York comme ailleurs.


Quel rapport avec Marseille?
 La phrase plus haut a été prononcée par un libraire de Montpellier pour refuser un livre.
Et en profiter pour rendre à son éditeur d'autres livres. La poésie, on n'en vend pas/on n'en veut pas.
Miralles, Glück, Durbec ou James Sacré.
Deux habitent Montpellier et non des moindres.
Quel est le critère pour vendre/faire lire/acheter de la poésie?
Etre d'ici ou d'ailleurs, le poète est toujours un sans patrie, un peu à côté. Mais non.


Peut-être habiller de technologie nouvelle le livre?
Le faire clignoter comme un sapin lorsque c'est Noël et d'oeufs de Pâques au printemps...
En faire un jeu video?
Oui, poésie en jeu.
En jeu de poésie.
Enjeu: déposer les armes. Revenir vers la solitude de lire.

Ce matin je suis désolée. Suicide d'une amie.
Brutalité des nouvelles. Triste.
On a oublié le sens du mot désolation.
Sorry. Navrée.
C'est-à-dire blessée. Comme Roland, expirant sous son chêne, Ulysse émergeant ruisselant et décrépi de la mer sur le rivage des Phéaciens.
Les amis meurent. Tutti muiono. Et moi avec eux. Les ennemis aussi.
Alors lire Stig Dagerman encore une fois. Pour la route.
Regarder le livre de Bolano posé près de la fenêtre qui semble sourire dans la lumière froide.
Les chiens romantiques.
Recopier pour quelques lecteurs des bribes. Se mettre debout en signe de colère.
Et le chat n'y comprend rien, le lit est toujours aussi doux. Le chauffage central fonctionne.


Il y avait beaucoup de joie triste dimanche à arpenter le quartier de la Joliette et du Vieux port à Marseille. J'étais très émue, très heureuse aussi de voir ma ville sourire. Bleue, évidemment et grise aussi car il pleuvait, un peu, ce qui est rare à Marseille. Entendre les marseillais, les voir, leur parler. C'était une réunion de famille, de la famille que je n'ai plus, n'ai peut-être jamais eu dans cette ville tant aimée, par ma mère d'abord, mon père aussi. Ville unique, la seule disait ma mère qui n'en savait pas tant que ça sur le sujet mais comme beaucoup de marseillais avait compris ce que représentait cette ville dont on dit aujourd'hui qu'elle est une ville-monde. Et de la voir croisée avec Gênes, Istanbul, Alexandrie, Tunis, Alger, tout se lie et se relie et les gamins qui parcouraient l'exposition du J1 semblaient tout à fait à leur place. Un peu d'illusion de temps en temps, un peu de joie, et de beauté comme voir la ville depuis le Fort St Jean. Et sans doute ce qui est en train de se passer n'est pas qu'illusion.

Mais dans la librairie du J1, bellement organisée, pas de livre de poésie alors que Marseille est ville de poètes: Suarès, les Cahiers du Sud, Malrieu, Artaud, Brauquier, Audisio, le Cipm, et tous ses poètes d'aujourd'hui!

A Marseille on ne vend pas de poésie!










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