Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

vendredi 19 octobre 2012

Paol Keineg, Claude Vigée, Marielle Anselmo, Wim Wenders

M'ont tenu compagnie hier soir.
Lisbonne éclatante a éclairé la nuit rennaise, brillante mais mouillée.

Beaucoup d'interrogations se réveillent avec le matin.
Ce temps donné, heimatlos, que vas-tu en faire?

Lecture de Claude Vigée pleine de réconciliation et d'amour. Pensée profonde, irriguée de vie et de culture. En lisant ces vers, j'ai pensé à B. privée aujourd'hui de son compagnon de vie.

Passant près d'un banc vide

Bonsoir, petite Evy, bonsoir comme autrefois,
toi qui, depuis de si longs jours déjà,
demeures loin de moi.

Bonsoir dès que je passe à côté de ton banc
dans le parc étranger où nul ne va s'asseoir
où personne dans le noir ne dresse les oreilles
quand le silence sur nous s'étend dans les buissons
et que, très lentement, avec la nuit qui tombe,
s'éteint dans la pénombre le murmure de mes mots:

entre plaisir et peine,
à travers deuil et joie,

bonsoir, petite Evy, bonsoir et à bientôt,
comme alors, mon Evy, serrés l'un contre l'autre,
à deux sur ce vieux banc.

Ce poème pour Evy, la compagne du poète morte en 2007, a été écrit en 2009.
De retour vers mon travail, j'en redoute la légèreté et pourtant, cette idée d'être sans patrie pour le poète, est-elle si éloignée de la réflexion de Claude Vigée?
Du coup, le poème ferait patrie en devenant le pays de l'heimatlos?
Ces mots de Georges Perros, La vie, c'est par moments, pourraient être ceux du jour. Mais l'écriture aussi, c'est par moments. Sauf qu'ici, à Beauséjour, la maison est tout en écriture, c'est une maison d'écriture. Et moi, là dedans? Comme les précédents, je doute. Vais-je vraiment ajouter des mots à ceux des autres, quelle énergie ou plutôt quelle folie me pousse?

Tandis que je bricole et encombre la table de mes bouts de papier sans prétention, tout va bien. Dès que j'approche du texte blanc où loger mon heimatlos, tout change. Je n'en dis pas plus.

Heureusement quelques lignes me réconfortent si elles n'apaisent pas tout à fait l'inquiétude. Et voilà Keineg et aussitôt je me mets à courir dans l'encre comme on nage dans la mer.

L'acte simple de dire les noms
       comme quand au théâtre
       on fait dire
                 des choses aux mots
       en portant aux lèvres
                     une petite photo.

Et la journée s'ouvre avec la silhouette des arbres, les décombres de la menuiserie que j'aperçois de la table où la tasse de café a refroidi, la voix de la radio, l'absence totale de maîtrise de quoi que ce soit dans l'amitié. Et c'est presque joyeux, enfin.

Et Lisbonne en horizon doré et les écrits posthumes de Sebald sur la Corse et lui, que j'ai découvert survolant la Méditerranée, dans un biplace, Méditerranée dont nous disons qu'elle est notre mer, mare nostrum, et j'entendais enfant notre mère, ce qui va sans doute avec le fait que je suis née à Marseille et que ma mère pensait que hors de la grande bleue, aucune mer ne méritait notre amour.

A Brest j'ai vu la couleur bleue.
C'était celle de la mer d'Iroise.
Pays roux rejoint d'un bond
le pays vert de Bretagne.







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