Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

jeudi 25 octobre 2012

Edith Azam et l'heimatlos



Mon heimatlos a plusieurs visages et parfois il rit et parfois il pleure. 

Parfois il azame et parfois s'il vit, on peut lire:

apatride les quinze poètes
étranger les quinze les mille
sans patrie les milliers de poètes avec ou
SANS livres, avec ou sans voix, mais
heimatlos dans leur chair, dans leur souffle
quincaillerie de patrie cache coeur crève misère
aéroports de papier des tentatives d'envols
patries portatives de longs crashs en plein ciel
SANS rien d'autre qu'eux mêmes

devenir piéton de l'air devenir ce qu'on peut
après jésus marchant devenir ce qu'on est
sur la mer être qui la tangue

rester modeste ne pas parler
ne pas en faire trop ne pas parler
écouter sa mère et lui parler

j'ai vu le mont Dol devenir le monde
le menhir du Champ Dolent ouvrir tout  l'espace
et Dol de Bretagne l'univers sans nom

que faire c'est si petit de toute cette douleur si petit
doulou doulou disait daudet
qui pleurait son malheur si trop petit
lui restait plus qu'à prier plutôt mourir 

En vert Edith Azamen noir SD.



Voilà ce que nous voulons dire dès que nous ouvrons la journée.
Ou le journal. Nous voulons que ça commence enfin. Jamais que ça finisse, même la nuit. Ce matin, à Cleunay, Adriano m'a donné deux mots. Il les a écrits sur un bout de papier déchiré et me les a tendus, c'est pour vous, et je les ai emportés avec moi. Je les ai regardés. Ils ne parlaient pas comme moi, ces deux mots. Naissance d'un voyage.

Les autres mots, tous, et il y en avait beaucoup, nous les avons laissés sur les tables, en classe, pour qu'ils continuent à grandir. Et nous sommes sortis dans le gris.
Essayant d'écrire nos pas en noir pour faire des mots entiers et construire un poème.
De retour ici, nous avons vu qu'on avait enlevé les barricades qui empêchaient de courir dans les décombres de la menuiserie. 
Demain il y aura sans doute des machines pour emporter les gravats. Alors le soleil peut-être reviendra mais je n'en suis pas sûre.
Je suis revenue travailler  à Beauséjour et j'ai découvert que le mot Pentateuque désignait à la fois l'Ancien Testament et aussi une division médicale savante des différentes maladies. On peut par exemple s'amuser à mettre en relation la Genèse, premier livre du Pentateuque qui en comporte cinq comme son nom l'indique, avec la première division des cinq maladies (appelée aussi pentateuque) les plaies, l'Exode avec les ulcères. C'est une découverte un peu étrange.
Il y en a de plus heureuses comme le mot quinconce donné par l'ami Patrick Bléron sur son blog et qui renvoie au jardin clos, celui des méditations claustrales mais aussi de la joie d'amour au verger. J'ai à mon tour dessiné un carré de 5 X 5 sur le carnet et y ai disposé des arbres et des fleurs comme dans le jardin du roi Salomon, lys blancs et grenadiers mais aussi cerisiers et pommiers. 
Puis je suis revenu à mon sans patrie, mon heimatlos.
En quoi ce jardin pourrait-il lui servir de patrie, de consolation?
Seulement des fragments, comme éclats de soleil sur le pré en pente. Et sur les mains fauves des faucheurs. Voir Gustave Roud qui en savait un bout à la fois sur les cerisiers, les prés et le paradis.
Et sans doute aussi sur la folie suisse.


A suivre, poursuivre, chasser, pourchasser.
Sans colère ni envie d'emprisonner. Juste ce désir. 
Que ça commence!

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